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Christopher Taylor

 

"STEINHOLT"

 

 

Les circonstances qui ont conduit à ce projet photographique sur l’Islande sont assez simples : la relation d’une enfant avec sa grand-mère, la transmission des prénoms pour honorer le passé et le souvenir d’un homme solitaire pour une époque révolue.


Dans les régions isolées, les événements mineurs sont marquants et rarement oubliés ; ils créent parfois une fenêtre ouverte sur le passé. La nature et l’itinérance des moutons constituent des forces à l’œuvre dans le paysage, érodant les traces de l’homme. Et pourtant quand on chemine à pied, le sens de l’histoire est palpable.

 

Mon épouse se nomme Álfheiður, en l’honneur de sa grand-mère, qui avait également reçu le prénom de sa grand-mère. C’est un prénom démodé et peu usité. Sa grand-mère pensait que ce serait un lourd fardeau à porter... Discrète, elle avait minimisé la valeur de cet héritage, alors que ce prénom cimenterait la relation entre Álfheiður et son nafna (nafna- l’homonyme).
En 1929, Álfheiður Vigfusdottír et Sigfus Helgason – les grands-parents de mon épouse – bâtissent de leurs mains une petite maison près de la mer à Þórshöfn dans l’extrême nord-est de l’Islande. Ils la nomment Steinholt. Pendant leur première année de vie commune ils élèvent des moutons à Flautafell en Þistilfjörður. La vie dans les fermes modestes à cette époque était difficile. Un an plus tard, ils déménagent à Þórshöfn, où une communauté de pêcheurs commence à se développer. Parmi leurs maigres possessions, ils ramènent une vache et lui construisent un abri. Sept ans plus tard, suite à une épidémie de rougeole, Sigfus meurt d’une pneumonie. Pendant six ans Álfheiður lutte seule pour garder ses deux enfants et conserver la maison, puis elle se remarie avec Jóhann Kristjánsson, un pêcheur. Álfheiður gagne sa vie avec la couture et le tricot ; habile, elle aide même le médecin à coudre des plaies. Les gens du village se souviennent encore d’elle, sage-femme bénévole (ljósmóðir en islandais - mère de la lumière) et assistante du médecin, généreuse malgré ses propres difficultés.

 

Enfant à Reykjavík, mon épouse était envoyée chez ses grands-parents pour les vacances scolaires d’été. Les souvenirs de ces mois passés en compagnie de sa grand-mère sont parmi les plus heureux de son enfance. Steinholt représentait alors un refuge pour la jeune Álfheiður, où sa grand-mère lui enseignait peu à peu un certain sens moral en lui montrant le chemin à suivre.

A l’été 2009, Álfheiður retourne à Þórshöfn vingt-quatre ans après la mort de sa grand-mère avec l’intention de réparer la croix de la tombe où repose sa grand-mère. Le cimetière de Sauðanes est à sept kilomètres du village sur une colline qui offre une vue sur le fjord. C’était une journée nuageuse et bruineuse. Un rayon de soleil inattendu la convainc qu’elle est la bienvenue. Elle sent le besoin de revoir la vieille maison de sa grand-mère et est aidée dans cette initiative par Eyþór, un homme que sa grand-mère a aidé à naître. Le propriétaire de la maison, un vieux célibataire nommé Agnar, était ravi de recevoir le nafna d’Álfheiður et lui offre un café. Agnar se souvient d’Álfheiður qui, enfant, jouait devant la maison. En fermant les yeux, elle imagine la cuisine comme celle d’il y a 40 ans, avec ses odeurs - un mélange de café, de poisson séché et de fumée - comme si rien n’avait bougé, avec le souvenir de sa grand-mère qui récite des rimes et remue ses casseroles.

 

L’année suivante, nous sommes surpris de recevoir un mot d’Agnar disant qu’il projetait de vendre Steinholt. Il en avait assez d’habiter seul et avait trouvé une place à la maison de retraite de Þórshöfn. Quasiment sans famille, il souhaitait que la maison d’Álfheiður appartienne à son nafna. C’est à ce moment là que mon projet démarre.
Christopher Taylor

 

 

Exposition du 23 février au 1er avril 2017

mardi - vendredi 12h - 19h / samedi 11 - 19h

 

 

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